Dès sa prise de fonctions, le nouveau Ministre de la Justice annonçait vouloir « restaurer le secret professionnel des avocats ».
Si le barreau unanime attend une intervention législative forte dans ce domaine, il ne faudra pas négliger la résistance des contempteurs du secret, gavés de télé-réalité, rêvant de micros et lumières à tous les étages, organisant la transparence jusqu’à enregistrer clandestinement des conversations privées sous couvert de « journalisme d’investigation ».
La tentation de puiser chez l’avocat des éléments d’accusation est ancienne et la Cour de Cassation dès 1897 tempérait les ardeurs de nos juges en rappelant que le pouvoir de saisir les pièces utiles à la manifestation de la vérité « trouve une limite dans le principe de la libre défense, qui domine toute la procédure criminelle et qui commande de respecter les communications confidentielles des accusés avec les avocats qu’ils ont choisis ou veulent choisir comme défenseurs ». Mais ça, c’était avant.
Déjà en 1985, le bâtonnier DAMIEN dans un article intitulé « feu le secret professionnel », déplorait que « le secret professionnel fond comme neige au printemps ». Et depuis, les printemps sont toujours plus chauds !
Ainsi a-t-il fallu trois interventions législatives pour écrire l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, en réaction, chaque fois, à des foucades jurisprudentielles piétinant les versions successives: « en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères (…), les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ». C’est clair ! Mais cela n’a pas suffi.
Il a fallu encore la vigilance incessante de nos bâtonniers et de leurs délégués pour obtenir des JLD qu’ils modèrent –un peu- l’appétit des magistrats investigateurs qui tentaient de saisir jusqu’aux notes, factures et agendas. Il nous reste beaucoup à gagner et les événements récents nous ont rappelé combien la tension reste vive, combien peut paraître illégitime à d’aucuns cette défense du secret.
Nos concitoyens qui ont été confrontés à la justice, civile, pénale ou administrative, qui ont eu besoin de l’assistance ou des conseils d’un avocat ont bien perçu, eux, la nécessité de la protection absolue des confidences faites, des inquiétudes exprimées, des avis reçus.
La CEDH rappelle régulièrement que le secret est « à n’en pas douter (…) un des principes fondamentaux sur lesquels repose l’organisation de la justice dans une société démocratique ». Pour autant, il cède devant d’autres « objectifs légitimes », et la déclaration de soupçon est ainsi jugée non contraire à l’article 8. Récemment les juges européens nous décevaient encore en validant notre législation nationale relative aux écoutes téléphoniques. D’aucuns s’en trouvèrent ragaillardis, allant jusqu’à filocher des membres du barreau de Paris en épluchant leurs fadettes.
Bien sûr qu’il est légitime d’écouter et perquisitionner un avocat à l’encontre duquel ont été préalablement réunies des charges de participation à une activité délictuelle.
Mais écouter, quand bien même on ne les retranscrirait pas, les conversations entre un justiciable et un avocat, non suspecté d’être un délinquant, pénétrer de force dans son cabinet, cela ne peut plus être !
Certes, la tentation est grande de coller l’oreille à la porte mais de même que les lettres échangées avec un avocat ne peuvent être lues, les entretiens avec un avocat dans son cabinet, dans les couloirs du palais de justice, au dépôt ou au parloir ne peuvent être écoutés.
Une protection particulière est également accordée aux communications téléphoniques entre le détenu et l’avocat lesquelles, par exception, ne peuvent être interceptées, enregistrées, transcrites ou interrompues (article 727-1 du CPP).
Comment admettre, dès lors, que policiers et juges – par délégation- continuent d’écouter les communications entre un justiciable libre – légitimement placé sur écoute- et les avocats qu’il pourrait contacter ? Parfois pendant des mois.
Il n’est que temps d’empêcher, par la loi, ces intrusions dans cet espace confidentiel.
Profitons du chantier que le Garde des sceaux promet d’ouvrir pour obtenir la mise en place de dispositifs techniques qui empêcheront les écoutes de communications passées sur les numéros d’avocats et concomitamment, engageons-nous à un respect absolu de règles déontologiques qui prohiberont tout usage dévoyé d’une telle protection.
Obtenons que le bâtonnier informé du placement sur écoute d’un confrère, dispose du droit de saisir un juge pour statuer sur l’opportunité d’une telle mesure.
Et enfin, puisqu’on nous invite à être ambitieux, le moment n’est-il pas venu de nous prononcer définitivement sur la nécessité ou pas de créer le legal privilege ?
Guidés par la préoccupation de renforcer notre secret professionnel nous pouvons faire beaucoup, y compris surmonter nos divisions.