ACTUALITéS

L’infraction de recel

Aux termes de l’article 321-1 du Code pénal :

« Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit.

Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit. »

Le recel consiste donc à cacher, garder ou transférer quelque chose en sachant que cette chose a été obtenue de manière illégale (par un crime ou un délit).

Cela inclut aussi le fait de profiter, de quelque manière que ce soit, de quelque chose en sachant qu’elle vient d’un acte illégal.

Pour que l’infraction de recel soit caractérisée, il faut d’abord qu’un crime ou un délit ait été commis, donnant naissance à un objet obtenu illégalement.

Cet objet doit ensuite être dissimulé, détenu, transmis, ou utilisé par le receleur (élément matériel), qui doit être conscient de l’origine illégale de cet objet (élément moral).

I. Les conditions préalables de l’infraction de recel

Avant toute chose, il convient qu’un crime ou délit ait été commis, crime ou délit dont va provenir l’objet de l’éventuel recel.

A. La nature de l’infraction originelle

Par infraction originelle, l’on veut dire que l’infraction doit être commise avant  l’infraction de recel. (Crim. 28 févr. 2018, n° 17-80.694.)

Il doit s’agit d’un crime ou d’un délit. 

Les crimes sont des infractions passibles d’une peine de réclusion criminelle. (Article 131-1 code pénal)

Quant aux délits, ce sont infractions passibles d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende d’un montant égal ou supérieur à 3 750 euros (article 381 code procédure pénale).

A titre d’exemple, l’on peut citer :

Le faux en écriture (Crim. 12 mai 1970 ; Crim. 7 avr. 1986, n° 85-95.225.)

La fraude fiscale, s’il y a une plainte préalable de l’administration et une procédure fiscale antérieure  (Crim. 14 déc. 2000, n° 99-87.015.)

La violation du secret professionnel  (Crim. 26 oct. 1995, n° 94-84.858.)

Le détournement de fonds publics Crim. 30 mai 2001, n° 00-84.102.)

B. La conséquence de l’infraction originelle : l’objet du recel

L’infraction originelle doit nécessairement donner lieu à « enlever, détourner ou obtenir » une chose ou encore, à la « fabriquer ». (Crim. 10 juill. 1969)

Cette chose peut prendre plusieurs formes.

Elle peut être un bien immeuble (Cass. crim., 28 septembre 2016, n° 15-84.485.)

Elle peut aussi consister en un bien meuble tel que :

  • Le sceau de l’Etat (Crim. 10 juill. 1969.)
    • Une épave (Crim. 21 mai 1997, n° 96-80.618.)
    • Du carburant (Douai. 14 oct. 2004.)

Une fois ces conditions réunies, il convient d’examiner les éléments constitutifs de l’infraction de recel.

II. Les éléments constitutifs de l’infraction de recel

L’infraction de recel est une infraction intentionnelle.

Pour cette raison, sa caractérisation nécessite l’existence d’un élément matériel et d’un élément moral.

            A. L’élément matériel de l’infraction de recel

« Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. »

« Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit. »

L’élément matériel d’une infraction est la partie visible de celle-ci.

Selon cet article, il y a 4 grands éléments matériels de l’infraction de recel : la dissimulation, la détention, la transmission ou le profit du produit d’un crime ou d’un délit.

Ces éléments ne sont pas cumulatifs. C’est-à-dire que l’existence d’un seul de ces éléments suffit à constituer l’élément matériel de l’infraction de recel.

                        1. La dissimulation du produit de l’infraction originelle

L’élément matériel de l’infraction de recel est retenu dès lors qu’il y a dissimulation de la chose objet du recel.

La dissimulation est l’action de cacher le produit de l’infraction des manoeuvres frauduleuses. (Civ. 1, 14 avril 2021, 19-20.327)

Par exemple  :

L’ouverture d’un nombre conséquent de comptes bancaire à l’étranger dans le but de recevoir l’argent de la vente de lingots d’or volés. (Crim. 1 juin 2023, n° 22-86.463.)

                        2. La détention du produit originelle de l’infraction

La jurisprudence retient trois situations de détention du produit de l’infraction originelle. Cependant, la notion de détention en elle-même et de son étendue reste floue sur plusieurs points.

                                   a. Les situations de détention du produit de l’infraction originelle

L’élément matériel de l’infraction de recel est retenu dès lors qu’il y a détention de la chose objet du recel.

Il y a détention de la chose dans trois situations :

Lorsqu’elle est remise par l’auteur de l’infraction dont elle provient (Crim. 17 févr. 1953.)

Lorsqu’elle  est remise par un intermédiaire, même s’il est de bonne foi (Crim. 3 avr. 1936.)

Ou

Lorsque le prévenu appréhende la chose à son profit. (Crim. 17 févr. 1953.)

                                   b. L’étendue de la détention du produit de l’infraction originelle

Le code ne précise pas à quel point « le receleur doit avoir acquis la possession des choses quil détient » (Crim. 17 févr. 1953).

Cependant, la Cour de cassation a pu retenir qu’il n’y avait pas de détention par la concubine de l’auteur des faits, tant qu’elle n’a pas détenu personnellement le produit de l’infraction, même s’ils avaient un domicile commun (Crim. 12 juill. 1945).

À l’inverse, elle a considéré que la concubine à qui appartient le domicile, avait connaissance de l’entreposage des biens apportés par son mari et ses amis après qu’ils eurent effectué des vols chaque nuit (Crim. 16 nov. 1999, n° 99-80.970).

                        3. La transmission du produit de l’infraction originelle 

L’élément matériel de l’infraction de recel est retenu dès lors qu’il y a transmission de la chose objet du recel.

Cette transmission peut être directe ou indirecte.

La transmission indirecte consiste à servir d’intermédiaire pour la transmission du produit d’un vol ou d’un délit.

C’est le cas d’un prévenu qui est intervenu dans la négociation de bons du trésor volés.  (Crim. 30 nov. 1999, n° 98-85.991.)

Mais a transmis, de manière directe, celui qui a transporté, par lui-même, des marchandises volées. (Crim. 31 déc. 1920.)

                        4. La jouissance du produit de l’infraction originelle

« Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit. »

A défaut donc d’avoir accompli des actes de dissimulation, détention ou de transmission de l’objet issu d’un crime ou délit, la seule jouissance de ce bien constitue l’élément matériel de l’infraction de recel.

Cette peut-être opérée par tous moyens, notamment :

  • En profitant du train de vie de son compagnon, financé par des ressources illicites ;
    • En acceptant des sommes illicites comme moyen de paiement dans un restaurant (Crim. 17 févr. 2016, n° 14-86.969.) ;
      • En s’appropriant des valeurs patrimoniales constitués en partie par des fonds venant d’abus de biens sociaux (Crim. 3 mai 1982, n° 81-91.455.) ;
        • En consommant des boissons provenant d’un vol (Crim. 24 oct. 1979.)

En plus de l’élément matériel, il faut un élément moral pour que l’infraction soit constituée.

            B. L’élément moral de l’infraction de recel

La Cour de Cassation définit l’élément moral de l’infraction de recel comme « la connaissance de l’origine frauduleuse des objets recélés. » (Crim. 30 oct. 1978, n° 77-93.046.)

Il faut donc que la personne qui a réalisé l’élément matériel de l’infraction de recel sache que l’objet provient d’un crime ou d’un délit.

Pour cela, il importe peu que la personne sache de quel crime ou délit l’objet provient. (Crim. 16 mars 1932, n° 88-84.345.)

Et il faut surtout que la personne le sache au moment de la commission de l’élément matériel de l’infraction. A défaut, elle sera considérée comme étant de bonne foi et l’élément moral ne sera pas retenu. (Crim. 24 janv. 1978, n° 77-90.320.)

Pour retenir l’élément moral, les juges regardent le comportement du prévenu au moment des faits.

 A été considéré comme pouvant constituer l’élément moral de l’infraction :

  • Le fait de se procurer l’objet à un prix défiant toute conscience, malgré l’obscurité gardée sur le nom du fournisseur ; (Chambéry, 4 déc. 1996.)
    • Le fait d’utiliser une voiture qui présentait tous les signes d’une infraction ; (Rennes, 27 oct. 2006.)
    • Le fait d’acheter un scooter à prix vil et sans certificat d’immatriculation, dans un vide-grenier ; (Crim. 27 juin 2012, n° 11-86.555.)
    • Le fait, pour une femme, de profiter du train de vie de son mari alors qu’elle est responsable administratif et financier de la société de celui-ci, société dans laquelle il commet des abus de bien sociaux ; (Crim. 30 janv. 2019, n° 17-85.304.)

III. Les sanctions

Le recel est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. (321-1)

Il est puni de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende (Article 321-2 code pénal) :

« 1° Lorsqu’il est commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle ou ;

2° Lorsqu’il est commis en bande organisée.  »

Le montant de ces peines d’amende peut aller jusqu’à la moitié de la valeur des biens recelés. (Article 321-3 code pénal.)

S’il est prévu, pour l’infraction dont provient le bien recelé, une peine plus sévère que celle des articles 321-1 ou 321-2 du code pénal, cette peine sera applicable.

Dans ce dernier cas, le receleur ne pourra être puni que pour les infractions dont il avait connaissance. Cela signifie que les peines infligées au receleur sont limitées aux infractions spécifiques et aux éléments dont il était conscient. (Article 321-4 du code pénal.)

  


Image de Armand Feste-Guidon

Armand Feste-Guidon

Avocat au Barreau de Marseille (droit pénal des affaires)